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Document Information:
- Year: 2012
- Country: Transnational
- Language: French
- Document Type: Other International Legal Instrument
- Topic: Assembly and Protest,Defending Civil Society
GE.12-13587 (F) 150612 190612
Conseil des droits de l’homme
Vingtième session
Point 3 de l’ordre du jour
Promotion et protection de tous les droits de l’homme,
civils, politiques, économiques, sociaux et culturels,
y compris le droit au développement
Rapport du Rapporteur spécial sur le droit
de réunion pacifique et la liberté d’association,
Maina Kiai
Résumé
Le Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association
présente son premier rapport thématique au Conseil des droits de l’homme, en application
de la résolution 15/21 du Conseil.
Après une introduction (chap. I), le Rapporteur spécial donne un aperçu des activités
qu’il a menées au cours de la première année de son mandat (chap. II).
Il met ensuite en avant les pratiques optimales pour promouvoir et protéger le droit
de réunion pacifique et la liberté d’association (chap. III). Le droit de réunion pacifique
recouvre non seulement le droit d’organiser une réunion pacifique et d’y participer, mais
aussi le droit d’être à l’abri de toute ingérence. Il protège également les personnes qui
surveillent les réunions pacifiques. Le droit à la liberté d’association s’étend de la création à
la dissolution d’une association et englobe les droits de constituer une association et d’y
adhérer, de fonctionner librement à l’abri de toute ingérence, d’accéder aux modes de
financement et aux ressources, et de participer à la conduite des affaires publiques. À la fin
de ce chapitre, le Rapporteur spécial met l’accent sur le droit à un recours effectif et au
principe de responsabilité pour ce qui est des violations des droits de l’homme.
Le Rapporteur spécial présente enfin ses conclusions et recommandations aux
parties intéressées (chap. IV).
Nations Unies A /HRC/20/27
Assemblée générale Distr. générale
21 mai 2012
Français
Original: anglais
A/HRC/20/27
2 GE.12-13587
Table des matières
Paragraphes Page
I. Introduction ………………………………………………………………………………………………. 1 6 3
II. Activités …………………………………………………………………………………………………… 7 11 4
A. Communications ………………………………………………………………………………… 7 4
B. Visites dans les pays …………………………………………………………………………… 8 4
C. Participation à diverses manifestations………………………………………………….. 9 11 4
III. Pratiques optimales relatives au droit de réunion pacifique
et à la liberté d’association ………………………………………………………………………….. 12 81 5
A. Principes communs…………………………………………………………………………….. 12 23 5
B. Pratiques optimales relatives au droit de réunion pacifique ……………………… 24 50 8
C. Pratiques optimales relatives au droit à la liberté d’association ………………… 51 76 14
D. Droit à un recours effectif en cas de violations des droits de l’homme
ou d’atteintes aux droits de l’homme…………………………………………………….. 77 81 20
IV. Conclusions et recommandations…………………………………………………………………. 82 100 21
A. Recommandations générales ……………………………………………………………….. 84 87 21
B. Recommandations spécifiques ……………………………………………………………. 88 100 22
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I. Introduction
1. Le présent rapport est soumis au Conseil des droits de l’homme par le Rapporteur
spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association en application de la
résolution 15/21 du Conseil. Il s’agit du premier rapport thématique du Rapporteur spécial,
qui a pris ses fonctions le 1
er mai 2011. Il décrit les activités du Rapporteur spécial au cours
de la période allant du 1er mai 2011 au 30 avril 2012 et met en lumière les «pratiques
optimales, y compris les pratiques et les acquis des États, susceptibles de promouvoir et
protéger le droit de réunion pacifique et la liberté d’association» (par. 5 b) de la résolution).
2. La notion de «pratique optimale» n’englobe pas seulement les prescriptions du droit
international des droits de l’homme, mais s’étend aux principes qui vont au-delà de ces
obligations contraignantes (A/HRC/16/51, par. 10). Elle fait référence à des cadres aussi
bien juridiques qu’institutionnels et doit se fonder sur une pratique établie ou nouvellement
introduite par les institutions publiques, les organisations intergouvernementales, les
organes créés en vertu d’instruments internationaux, la jurisprudence des tribunaux
internationaux, régionaux ou nationaux, ou encore les universitaires.
3. Pour recenser ces pratiques optimales, le Rapporteur spécial a adressé un
questionnaire aux États Membres, aux institutions nationales des droits de l’homme, aux
mécanismes régionaux de défense des droits de l’homme, aux organisations non
gouvernementales (ONG) et autres parties prenantes. Il a reçu 87 réponses au total (voir
A/HRC/20/27/Add.1) et remercie ceux qui ont répondu au questionnaire. Dans le souci
d’adopter une approche équilibrée, il encourage toutes les parties prenantes à collaborer
avec lui et à formuler des observations sur les domaines abordés dans le présent rapport afin
que les pratiques optimales recensées rendent fidèlement compte de la situation sur le
terrain. En application des dispositions de la résolution 15/21 du Conseil, le Rapporteur
spécial a également pris «largement en considération les éléments de réflexion utiles dont
dispose le Conseil» pour élaborer son rapport. Il a en outre pris en considération les appels
urgents et les lettres d’allégation adressées par les titulaires de mandat au titre des
procédures spéciales.
4. Le Rapporteur spécial souligne que, s’il ne fait aucun doute que le droit de réunion
pacifique et la liberté d’association sont étroitement liés, interdépendants et se renforcent
mutuellement, ils constituent aussi deux droits distincts. De fait, ils sont le plus souvent
régis par deux types distincts de législation et, comme le montre le présent rapport, leur
exercice se heurte à des difficultés différentes. C’est pourquoi il convient de les examiner
séparément. Le présent rapport couvre donc successivement les pratiques optimales
relatives au droit de réunion pacifique et celles relatives au droit à la liberté d’association.
5. Compte tenu du très large éventail de droits en jeu, le présent rapport ne prétend pas
être exhaustif, ni ne tente de l’être, mais tend plutôt à donner un premier aperçu des cadres
juridiques et institutionnels qui devraient être adoptés et mis en place pour respecter l’esprit
et la lettre des droits de l’homme dans le contexte du droit de réunion pacifique et de la
liberté d’association.
6. Le présent rapport porte sur les pratiques optimales, mais le Rapporteur spécial
estime qu’il convient de garder à l’esprit que, dans certains contextes, le droit de réunion
pacifique et la liberté d’association sont totalement ou partiellement niés, comme il a pu le
constater dans de nombreux pays lors de l’élaboration de son rapport.
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II. Activités
A. Communications
7. Le Rapporteur spécial a envoyé au total 140 communications du 1 er mai 2011 au
30 avril 2012. Les observations relatives aux pays auxquels des communications ont été
adressées tout au long de l’année sont publiées dans un additif au présent rapport
(A/HRC/20/27/Add.4).
B. Visites dans les pays
8. Depuis le 1 er mai 2011, le Rapporteur spécial a adressé des demandes de visite à
41 pays. Il remercie le Gouvernement géorgien pour sa collaboration lors de sa première
mission dans le pays du 6 au 13 février 2012 (voir A/HRC/20/27/Add.2 pour les
observations et les recommandations finales). Il remercie également l’Azerbaïdjan, le
Guatemala, le Honduras, le Kirghizistan, les Maldives, le Royaume-Uni de Grande-
Bretagne et d’Irlande du Nord et la Tunisie de lui avoir adressé une invitation. En revanche,
il regrette vivement que le Gouvernement de la République arabe syrienne n’ait pas
répondu à sa lettre datée du 1
er décembre 2011, dans laquelle il proposait des dates pour la
conduite d’une mission après avoir été invité par le Gouvernement à effectuer une mission
dans le pays «au cours des premiers mois de [2012]».
C. Participation à diverses manifestations
9. Le Rapporteur spécial a participé à deux consultations régionales, qui lui ont permis
de recueillir des contributions importantes pour l’élaboration du présent rapport, organisées
respectivement par la Human Rights House Foundation et le Bureau des institutions
démocratiques et des droits de l’homme, et par l’Institut d’étude des droits de l’homme du
Caire et le Service international pour les droits de l’homme. Du 2 au 4 février 2012, à
Tbilisi, il a eu l’occasion de rencontrer des représentants de la société civile, originaires
notamment d’Arménie, d’Azerbaïdjan, du Bélarus, de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie,
de la Fédération de Russie, de la Géorgie, de la Hongrie, de la Norvège, de la Pologne, de la
République de Moldova, du Royaume-Uni, de la Serbie, de la Suisse et de la Turquie, ainsi
que des militants originaires du Kazakhstan, du Kirghizistan et du Turkménistan en
coopération avec l’Open Society Institute. Les 13 et 14 avril 2012, au Caire, il a participé à
une consultation régionale qui a rassemblé des défenseurs des droits de l’homme de la
région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, la Rapporteuse spéciale sur la situation
des défenseurs des droits de l’homme et le Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits
de l’homme de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.
10. Pour ce qui est des conférences, le 12 juillet 2011, le Rapporteur spécial a rencontré
le Secrétaire général de l’Organisation des États américains à Washington. Du 14 au
16 septembre 2011, il a participé à la sixième Rencontre des défenseurs des droits de
l’homme organisée à Dublin par Front Line (Fondation internationale pour la protection des
défenseurs des droits humains). Du 21 au 23 novembre 2011, il a participé à la conférence
organisée sur le thème «Protection de la Démocratie Réclamation de l’espace de la
société civile en Afrique» par le Centre pour la participation citoyenne à l’Union africaine,
qui s’est tenue à Johannesburg (Afrique du Sud). Le 30 novembre 2011, il a participé au
quatrième Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide, tenu à Pusan (République de
Corée). Les 17 et 18 janvier 2012, à Addis-Abeba, il a participé à une consultation entre les
titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de l’ONU et la Commission africaine
des droits de l’homme et des peuples. Du 26 au 28 janvier 2012, il a participé à la
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conférence de Wilton Park de 2012, organisée par les Gouvernements norvégien et suisse et
intitulée «Peaceful protest: a cornerstone of democracy. How to address the challenges?»
(Les manifestations pacifiques pierres angulaires de la démocratie Comment relever les
défis?) Il a participé, les 14 et 15 mars 2012, à la Conférence de la Présidence de l’Union
européenne intitulée «Civil Society Organisations, Human Rights and Development»
(Organisations de la société civile, droits de l’homme et développement), tenue à
Copenhague par Concord Danmark et, le 16 mars 2012, à la Conférence marquant le
cinquantième anniversaire du Ministère danois des affaires étrangères, organisée à
Copenhague.
11. Le 13 septembre 2011, en application de la décision 17/120 du Conseil, le
Rapporteur spécial a participé à une réunion-débat sur la promotion et la protection des
droits de l’homme dans le contexte des manifestations pacifiques, organisée pendant la dix-
huitième session du Conseil. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de
l’homme a élaboré un rapport rendant compte sous forme résumée des conclusions de la
réunion-débat (A/HRC/19/40).
III. Pratiques optimales relatives au droit de réunion pacifique
et à la liberté d’association
A. Principes communs
1. Cadre juridique
12. Le droit de réunion pacifique et la liberté d’association jouent un rôle moteur dans
l’exercice de nombreux autres droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux.
Ils sont une composante essentielle de la démocratie qui offre des possibilités inestimables,
entre autres celles «d’exprimer des opinions politiques, de s’adonner à des activités
littéraires et artistiques et à d’autres occupations culturelles, économiques et sociales, de
pratiquer sa religion ou sa croyance, de former des syndicats et des coopératives ou d’y
adhérer, et de choisir pour représenter ses intérêts des dirigeants qui ont à rendre des
comptes» (résolution 15/21 du Conseil, préambule). Cette interdépendance et ces liens avec
d’autres droits en font un précieux indicateur de la mesure dans laquelle un État respecte la
jouissance de nombreux autres droits de l’homme.
13. Dans sa résolution 15/21, le Conseil réaffirme que «toute personne a droit à la
liberté de réunion et d’association pacifiques» (italiques ajoutés). Cette disposition doit être
lue conjointement avec l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, qui établit que «[l]es États parties […] s’engagent à respecter et à garantir à tous
les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits
reconnus dans le […] Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de
sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine
nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation» (italiques ajoutés)
et avec l’article 26 qui garantit à toutes les personnes une protection égale et efficace contre
toute discrimination fondée sur les motifs énoncés à l’article 2. Ces principes s’appliquent
notamment aux mineurs, aux populations autochtones, aux personnes handicapées, aux
personnes appartenant à des groupes minoritaires ou autres groupes à risque, y compris les
victimes d’acte de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre
(voir résolution 17/19 du Conseil), aux non-ressortissants y compris les apatrides, les
réfugiés
1 ou les migrants, ainsi qu’aux associations, y compris les groupes non enregistrés.
Le droit de réunion pacifique et la liberté d’association constituent un élément essentiel du
1 Art. 15 de la Convention relative au statut des réfugiés.
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droit international des droits de l’homme et sont consacrés par l’article 20 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme.
14. Le droit de réunion pacifique est garanti par l’article 21 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques et le droit à la liberté d’association par l’article 22 du Pacte.
Ces droits sont également reconnus par l’article 8 du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels et d’autres traités ou instruments internationaux
2 et
régionaux 3 spécifiques relatifs aux droits de l’homme, notamment la Déclaration sur le droit
et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et
protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus
(art. 5).
15. L’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques établit que le
droit de réunion pacifique et la liberté d’association ne sont pas des droits absolus. Dans sa
résolution 15/21 (par. 4 du dispositif), le Conseil rappelle que «l’exercice des droits à la
liberté de réunion pacifique et d’association peut faire l’objet de certaines restrictions
imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans
l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la
santé et la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui».
16. Le Rapporteur spécial souligne que seules «certaines» restrictions peuvent être
imposées, ce qui signifie clairement que la liberté doit être considérée comme la règle et sa
restriction comme l’exception. Il renvoie à l’Observation générale n
o 27 (1999) du Comité
des droits de l’homme sur la liberté de circulation qui précise que: «[l]orsqu’ils adoptent
des lois instituant des restrictions […] les États devraient toujours être guidés par le
principe selon lequel les restrictions ne doivent pas porter atteinte à l’essence même du
droit […]; le rapport entre le droit et la restriction, entre la règle et l’exception, ne doit pas
être inversé». Par conséquent, lorsque les États envisagent de restreindre ces droits, ils
doivent veiller à respecter toutes les conditions susmentionnées. Toute restriction doit donc
être motivée par l’un des intérêts précités, avoir un fondement juridique (être imposée
«conformément à la loi», ce qui suppose que la loi doit être accessible et que ses
dispositions doivent être formulées en termes suffisamment précis) et être «nécessaire dans
une société démocratique».
17. Comme l’a souligné l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
(OSCE), le terme «nécessité» ne signifie pas «absolument nécessaire» ou «indispensable»,
mais il n’a pas non plus la souplesse de termes ou expressions tels que «utile» ou
«pratique»: il signifie en revanche que l’intervention doit répondre à un «besoin social
impérieux»
4. Lorsqu’un tel besoin social surgit, les États doivent faire en sorte que toute
mesure restrictive reste dans les limites de ce qui est acceptable dans une «société
démocratique». À cet égard, la jurisprudence établie de longue date fait valoir qu’il n’y a
pas de société démocratique sans «le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture»
5. Les
États ne peuvent donc pas mettre en péril l’existence même de ces attributs lorsqu’ils
imposent des restrictions à ces droits. En outre, le Rapporteur spécial renvoie à
l’Observation générale n
o 31 (2004) du Comité des droits de l’homme sur la nature de
2 Art. 7 c) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des
femmes; Convention (n o 87) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948.
3 Il convient de noter que le mot «pacifique» ne figure pas dans l’article 11 de la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples.
4 Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE, Key Guiding
Principles of Freedom of Association with an Emphasis on Non-Governmental Organizations, par. 5.
5 Cour européenne des droits de l’homme, Handyside c. Royaume-Uni, requête n o 5493/72, 7
décembre 1976, par. 49.
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l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, qui dispose que «[d]ans
les cas où des restrictions sont formulées, les États doivent en démontrer la nécessité et ne
prendre que des mesures proportionnées aux objectifs légitimes poursuivis afin d’assurer
une protection véritable et continue des droits énoncés dans le Pacte» (par. 6).
18. De plus, seuls sont interdits par la loi, toute propagande en faveur de la guerre ou
tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la
discrimination, à l’hostilité ou à la violence (art. 20 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques) ou tout acte visant à la destruction des droits et des libertés consacrés
par le droit international des droits de l’homme (art. 5).
19. Le Rapporteur spécial met un accent particulier sur le fait que le droit à la vie et le
droit de ne pas être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants, doivent être garantis par les États à tous les individus en toutes
circonstances, y compris dans le contexte de l’exercice du droit de réunion pacifique et de
la liberté d’association, comme établi à l’article 4 du Pacte. Le Rapporteur spécial rappelle
que, de l’avis du Comité des droits de l’homme, «la possibilité de limiter l’exercice de
certains droits garantis dans le Pacte, par exemple le droit de circuler librement […] ou la
liberté de réunion […], suffit généralement dans ce genre de situation et une dérogation aux
dispositions en question ne serait pas justifiée par ce qu’exige la situation»
6.
2. Contexte dans lequel ces droits sont exercés
20. Le droit de réunion pacifique et la liberté d’association sont garantis par la
constitution de la plupart des pays. Dans de nombreux États, des lois internes spécifiques
régissent plus avant l’exercice de ces droits. Toutefois, dans bien des cas, la législation
nationale en vigueur prévoit d’autres motifs qui s’ajoutent à ceux établis par le droit
international des droits de l’homme ou qui sont ambigus. Le Rapporteur spécial met en
garde contre les interprétations arbitraires de tels motifs de restriction. Il met également en
garde contre tout contexte dans lequel la jouissance de ces droits est gravement entravée.
21. La lutte légitime contre le terrorisme et d’autres considérations relatives à la sécurité
servent parfois de prétexte pour justifier l’adoption de l’état d’urgence ou d’autres règles
plus strictes pour supprimer le droit de réunion pacifique et la liberté d’association. Des
décrets d’exception ont souvent été utilisés pour réprimer les libertés de réunion pacifique,
d’association et d’expression. À diverses occasions, le Rapporteur spécial sur la promotion
et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte
antiterroriste a souligné dans un rapport à l’Assemblée générale que «les États ne devraient
pas avoir besoin de recourir à des mesures de dérogation dans le domaine de la liberté de
rassemblement et d’association [et que les] mesures limitatives prévues par le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques [étaient] suffisantes dans une lutte efficace
contre le terrorisme» (A/61/267, par. 53).
22. Le contexte national éteint parfois le droit de réunion pacifique et la liberté
d’association. Dans les situations de conflit armé, les personnes qui souhaitent se
rassembler et s’associer librement, même pour répondre à des besoins urgents ou pour
demander que cesse la violence, risquent de se heurter à des restrictions draconiennes qui
peuvent constituer une stricte privation de leurs droits.
23. Un contexte électoral peut également avoir de lourdes conséquences pour le droit de
réunion pacifique et la liberté d’association. Ceci est particulièrement vrai lorsque les
rassemblements sont systématiquement interdits ou lorsque les personnes qui militent dans
des associations visant à promouvoir des élections transparentes et régulières et à défendre
6 Observation générale n o 29 (2001) sur les dérogations aux dispositions du Pacte en période d’état
d’urgence, par. 5.
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les principes démocratiques subissent harcèlement et intimidation du fait de leur activisme
civique.
B. Pratiques optimales relatives au droit de réunion pacifique 7
1. Définition d’une réunion pacifique
24. Par «réunion», on entend tout rassemblement intentionnel et temporaire dans un
espace privé ou public à des fins spécifiques. Ce terme englobe donc les manifestations, les
réunions en local clos, les grèves
8, les défilés, les rassemblements ou même les sit-in. Les
réunions jouent un rôle moteur dans la mobilisation de la population et la présentation de
ses griefs et aspirations, dans la célébration d’événements et, surtout, dans l’inflexion des
politiques publiques des États.
25. Le Rapporteur spécial convient que le droit international des droits de l’homme ne
protège que les réunions pacifiques, c’est-à-dire celles qui ne sont pas violentes et dont les
participants sont animés d’intentions pacifiques, ce qui devrait être présumé
9. Selon la Cour
européenne des droits de l’homme, «une personne ne cesse pas de jouir du droit de réunion
pacifique du fait d’un acte sporadique de violence ou d’autres actes commis par autrui au
cours d’une manifestation, si la personne en question demeure pacifique dans ses propres
intentions ou dans son comportement
10».
2. Droit d’organiser une réunion pacifique et d’y participer
26. Fondamentalement, le Rapporteur spécial considère comme une pratique optimale le
principe de la présomption favorable à la tenue de réunions pacifiques, mis en avant par le
Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OCDE. Une telle
présomption devrait être «clairement et explicitement établie dans la loi
11» et inscrite soit
dans les constitutions soit dans les lois régissant les réunions pacifiques (comme c’est le
cas, par exemple, en Arménie et en Roumanie).
27. Le Rapporteur spécial souligne que la jouissance du droit d’organiser des réunions
pacifiques et d’y participer suppose que l’État respecte l’obligation qui lui incombe de
faciliter l’exercice de ce droit. À cet égard, il appelle l’attention sur la loi relative au droit
de réunion en vigueur en Arménie, qui dispose que la police est tenue de faciliter les
réunions pacifiques (art. 32, par. 2). Il prend note avec intérêt de la déclaration dans
laquelle le Corps des inspecteurs de Sa Majesté, institution britannique d’évaluation
indépendante, indique que la police, en tant que service public, reconnaît et adopte le
principe de la présomption favorable à la tenue d’une réunion pacifique comme point de
départ des activités de maintien de l’ordre lors de manifestations
12.
28. Le Rapporteur spécial estime que l’exercice des libertés fondamentales ne devrait
pas être soumis à l’autorisation préalable des autorités (comme l’affirme expressément la
Constitution espagnole), mais tout au plus à une procédure de notification préalable, ayant
pour raison d’être de permettre aux autorités publiques de faciliter l’exercice du droit de
7 Le Rapporteur spécial fait abondamment référence aux Lignes directrices sur la liberté de réunion
pacifique élaborées par le BIDDH de l’OSCE (2007, Varsovie, 2 e éd.), qu’il considérait comme étant
l’ensemble de bonnes pratiques le plus avancé disponible lors de l’élaboration du présent rapport.
8 En raison des limites imposées concernant la longueur des documents, le présent rapport ne couvre
pas les grèves.
9 Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, p. 33.
10 Cour européenne des droits de l’homme, Ziliberberg c. Moldova, requête n o 61821/00 (2004).
11 Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, p. 13.
12 Voir les renseignements communiqués par le Royaume-Uni dans le premier additif au présent rapport.
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réunion pacifique et de prendre des mesures pour protéger la sécurité et l’ordre publics et
les droits et libertés du reste de la population 13. Cette notification devrait faire l’objet d’une
évaluation de la proportionnalité, qui ne soit pas exagérément bureaucratique 14, et être
déposée dans un délai déterminé (quarante-huit heures, par exemple) avant la date à
laquelle la réunion est prévue. Une procédure de notification est notamment en vigueur en
Arménie, en Autriche, au Canada, en Côte d’Ivoire, en Finlande, en Indonésie, au Maroc,
au Portugal, en République-Unie de Tanzanie, au Sénégal, en Serbie et dans le territoire
palestinien occupé. Idéalement, la notification préalable devrait uniquement être exigée
pour les réunions de grande ampleur ou les réunions susceptibles de perturber la circulation
routière
15. En République de Moldova, toute réunion de moins de 50 participants peut se
tenir sans notification préalable. Le passage d’une procédure d’autorisation à une procédure
de notification a contribué à augmenter le nombre de personnes qui exercent leur droit de
réunion pacifique. Dans ce contexte, le Rapporteur spécial regrette que la loi sur les
manifestations récemment adoptée par référendum dans le canton de Genève (Suisse),
prévoie jusqu’à 100 000 francs suisses d’amende notamment pour toute personne qui a
omis de requérir une autorisation de manifester ou ne s’est pas conformée à sa teneur
16.
29. Lorsque les organisateurs négligent de présenter une notification aux autorités, la
réunion ne devrait pas être automatiquement dispersée (comme c’est le cas, par exemple, en
Autriche) et les organisateurs ne devraient pas faire l’objet de sanctions pénales ou
administratives assorties d’amendes ou de peines d’emprisonnement. Cela est d’autant plus
important dans le cas des réunions spontanées, lorsque les organisateurs ne peuvent pas se
soumettre à l’obligation de notification préalable ou lorsqu’il n’y a pas d’organisateur ou,
du moins, d’organisateur connu. Dans ce contexte, le Rapporteur spécial considère que les
législations qui autorisent la tenue de réunions spontanées, non soumises à l’obligation de
notification, constituent une pratique optimale. Une telle législation est en vigueur
notamment en Allemagne, en Arménie, en Estonie, en République de Moldova et en
Slovénie. À cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme a souligné que «dans des
circonstances particulières où pourrait se justifier une réaction immédiate à un événement
politique, laquelle prendrait la forme d’une manifestation pacifique, disperser celle-ci au
seul motif que l’obligation de déclaration préalable n’a pas été respectée et sans que les
participants se soient comportés d’une manière contraire à la loi constitue une restriction
disproportionnée à la liberté de réunion pacifique»
17.
30. Dans le cas des réunions simultanées organisées au même endroit et à la même
heure (unité de lieu et de temps), le Rapporteur spécial considère que le fait de protéger et
de faciliter toutes les manifestations, chaque fois que cela est possible, constitue une bonne
pratique. S’agissant des contre-manifestations, qui visent à exprimer un désaccord avec le
message d’autres réunions, elles ne devraient pas dissuader les participants d’autres
réunions d’exercer leur droit de réunion pacifique. À cet égard, le rôle que jouent les
autorités chargées du maintien de l’ordre dans la protection et dans la facilitation des
manifestations est crucial.
13 Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, p. 63. Commission interaméricaine des droits
de l’homme, rapport sur la situation des défenseurs des droits de l’homme dans les Amériques,
OEA/Ser.L/V/II.124, par. 57.
14 Voir les renseignements communiqués par le Groupe d’experts du BIDDH/OSCE dans le premier
additif au présent rapport.
15 Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, p. 63.
16 En mai 2012, la loi faisait l’objet d’un appel devant le Tribunal fédéral suisse.
17 Cour européenne des droits de l’homme, Bukta et autres c. Hongrie, requête n o 25691/04 (2007).
Par «circonstances particulières», on entend les cas où «une réaction immédiate à un événement est
justifiée sous la forme d’une manifestation».
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31. Pour ce qui est des responsabilités des organisateurs, le Rapporteur spécial est d’avis
que «les organisateurs ne devraient subir aucune charge financière pour les services publics
fournis lors d’une réunion (tels que le maintien de l’ordre, les services médicaux et autres
mesures sanitaires et de sécurité)»
18. Il a été porté à sa connaissance que, en Autriche, la
prestation de services de protection des réunions n’est pas facturée 19. Qui plus est, «les
organisateurs de réunions et les participants ne devraient pas être tenus responsables des
actes illicites commis par autrui (ni amenés à rendre des comptes) [et, tout comme les]
membres du service d’ordre, ne devraient pas être tenus d’assurer le maintien de l’ordre
public»
20. Le Rapporteur spécial considère comme une bonne pratique le fait que, lorsque
cela est nécessaire, les organisateurs d’une réunion recourent à un service d’ordre chargé de
leur prêter assistance notamment en informant et en orientant le public lors de la
manifestation. Les membres de tout service d’ordre devraient être facilement identifiables
et correctement formés.
32. Le Rapporteur spécial constate qu’Internet, en particulier les réseaux sociaux, et
d’autres technologies de l’information et des communications sont de plus en plus utilisés
pour permettre à des particuliers d’organiser des réunions pacifiques. Toutefois, certains
États ont bloqué l’accès à ces outils afin de dissuader ou d’empêcher les citoyens d’exercer
leur droit. À cet égard, le Rapporteur spécial renvoie à un récent rapport du Rapporteur
spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, dans
lequel celui-ci recommande notamment que «tous les États fassent en sorte que l’accès à
Internet soit maintenu en tout temps, y compris en période d’instabilité politique»
(A/HRC/17/27, par. 79) et que «toute décision concernant les informations devant être
bloquées doit être prise par une autorité judiciaire compétente ou un organe indépendant de
toute influence politique, commerciale ou autres» (par. 70).
3. Droit d’être à l’abri de toute ingérence
a) Obligation positive
33. Le Rapporteur spécial souligne que les États ont l’obligation positive de protéger
activement les réunions pacifiques. Ils sont notamment tenus de protéger les participants
aux réunions pacifiques contre les individus ou groupes d’individus, y compris les agents
provocateurs et les contre-manifestants, qui ont pour objectif de perturber ou de disperser
des réunions. Ces individus peuvent être des membres de l’appareil d’État ou des personnes
œuvrant pour lui. Les organisateurs et les membres du service d’ordre des réunions ne
devraient pas être soumis à cette obligation. Le Rapporteur spécial estime que cette
responsabilité devrait toujours être explicitement définie dans la législation nationale,
comme c’est le cas notamment en République de Moldova, en Serbie et en Slovénie. En
Arménie, les organisateurs peuvent demander aux fonctionnaires de police d’expulser les
provocateurs du lieu de réunion (il semblerait toutefois que, dans la pratique, l’application
de cette disposition pose parfois problème). Le Rapporteur spécial considère comme une
bonne pratique la création en Estonie d’une unité de police d’intervention rapide (police
antiémeute) chargée de protéger les manifestants pacifiques contre les attaques de
provocateurs et de contre-manifestants et formée aux méthodes de séparation des
principaux provocateurs des manifestants pacifiques.
34. Le Rapporteur spécial exprime sa plus vive préoccupation face à l’interdiction ou à
la dispersion dans la violence de réunions pacifiques dans un certain nombre de pays, parmi
18 Voir les renseignements communiqués par le Groupe d’experts du BIDDH/OSCE dans l’additif au
présent rapport.
19 Voir les renseignements communiqués par l’institution nationale des droits de l’homme de l’Autriche.
20 Voir les renseignements communiqués par le Groupe d’experts du BIDDH/OSCE.
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lesquels Bahreïn, le Bélarus, la Chine, l’Égypte, le Malawi, la Malaisie, Sri Lanka, la
République arabe syrienne et la République islamique d’Iran 21.
35. Le droit à la vie (art. 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et art. 6
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) et le droit de ne pas être soumis
à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 5 de la
Déclaration et art. 7 du Pacte) devraient être les principes fondamentaux régissant le
maintien de l’ordre pendant les réunions publiques, comme l’ont affirmé plusieurs pays.
À cet égard, des dispositions non contraignantes le Code de conduite pour les
responsables de l’application des lois (en particulier ses articles 2 et 3) et les Principes de
base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de
l’application des lois (en particulier les principes 4, 9 et 13) visent à donner aux membres
des forces de l’ordre des orientations pour l’encadrement des protestations pacifiques. À cet
égard encore, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a souligné que «si le
prétexte du maintien de la sécurité publique ne peut être invoqué pour violer le droit à la
vie, […] les États doivent faire en sorte que, s’il devenait nécessaire de recourir à des
moyens de contrainte physique […], les membres des forces armées et des organes de
sécurité de l’État ne devraient mettre en œuvre que les moyens indispensables pour
maîtriser la situation d’une manière raisonnable et proportionnée, en respectant les droits à
la vie et à un traitement humain»
22. Le Rapporteur spécial sur les exécutions
extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a déclaré que «la seule circonstance justifiant le
recours aux armes à feu, y compris lors de manifestations, est une menace imminente de
mort ou de blessure grave» (A/HRC/17/28, par. 60). En ce qui concerne l’utilisation de gaz
lacrymogènes, le Rapporteur spécial rappelle que ces gaz touchent sans discernement les
manifestants et les non-manifestants, les personnes en bonne santé et les malades. Il met
également en garde contre toute modification de la composition chimique du gaz aux seules
fins d’infliger des douleurs intenses aux manifestants et, indirectement, aux passants.
36. Le Rapporteur spécial renvoie à la liste, établie par la Commission interaméricaine
des droits de l’homme, des contrôles administratifs qui devraient être mis en place au
niveau de l’État pour réserver aux circonstances exceptionnelles le recours à la force lors de
réunions publiques. Est notamment prévue la mise en place: «a) de mécanismes visant à
interdire, de manière efficace, le recours à la force meurtrière lors des manifestations
publiques; b) d’un système d’enregistrement et de contrôle des munitions; c) d’un système
d’enregistrement des communications pour contrôler les ordres relatifs aux opérations, les
responsables de ces ordres et ceux qui les exécutent»
23.
37. Le Rapporteur spécial est opposé à la pratique du «kettling» (ou confinement) qui
consiste à entourer les manifestants d’agent des forces de l’ordre et à leur interdire de
quitter la manifestation. Il accueille avec satisfaction la déclaration des représentants de la
police de Toronto (Canada) qui ont décidé d’abandonner cette pratique à la suite de la
controverse suscitée par les opérations de maintien de l’ordre menée pendant le Sommet du
G-20 tenu à Toronto en 2010.
38. D’une manière générale, le Rapporteur spécial accorde la plus haute importance au
maintien d’un réel dialogue, notamment par le biais de négociations, entre les autorités des
forces de l’ordre et les organisateurs afin de garantir le déroulement sans heurt des réunions
21 Voir notamment les rapports sur les récapitulatifs des cas présentés par les titulaires de mandat au titre
des procédures spéciales, et sur les observations relatives aux communications transmises aux
gouvernements et aux réponses reçues, ainsi que les communiqués de presse publiés par lesdits
titulaires de mandat et par les hauts-fonctionnaires de l’ONU.
22 Arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, Caracazo c. Venezuela (2002), par. 127.
23 Rapport sur la situation des défenseurs des droits de l’homme dans les Amériques, par. 68.
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publiques, comme cela semble être le cas, notamment, au Guatemala, en Hongrie, au
Mexique et en Suisse.
b) Obligation négative
39. Les États ont également l’obligation négative de ne pas entraver indûment le droit de
réunion pacifique. Le Rapporteur spécial considère comme pratique optimale les «lois
régissant la liberté de réunion [qui] se gardent de fixer des heures et des lieux interdits et
prévoient des restrictions moins intrusives [et selon lesquelles l’]interdiction devrait être
une mesure de dernier recours, les autorités n’interdisant une réunion pacifique que
lorsqu’une mesure moins restrictive ne permettrait pas d’atteindre les objectifs légitimes
recherchés par les autorités»
24.
40. Comme mentionné plus haut, toute restriction imposée doit être nécessaire et
proportionnelle à l’objectif poursuivi. Il est fait référence au principe de proportionnalité
dans la législation régissant les réunions pacifiques dans un certain nombre de pays, dont la
Nouvelle-Zélande et la Suisse. De plus, ces restrictions ne doivent pas s’écarter de l’objet et
du public ciblés
25 et «les organisateurs de réunions pacifiques ne devraient pas être
contraints de se plier aux suggestions des autorités si elles risquent de remettre en cause
l’essence de leur droit à la liberté de réunion pacifique»
26. À cet égard, le Rapporteur
spécial met en garde contre la pratique en vertu de laquelle les autorités autorisent la tenue
d’une manifestation, mais uniquement à la périphérie de la ville ou sur une place
particulière, où elle aura moins d’écho.
41. Le Rapporteur spécial adhère au point de vue du Groupe d’experts du Bureau des
institutions démocratiques et des droits de l’homme selon lequel «il ne faut pas privilégier
automatiquement la circulation à la liberté de réunion pacifique»
27. À cet égard, la
Commission interaméricaine des droits de l’homme a indiqué que «les institutions
compétentes de l’État ont l’obligation de mettre en place des plans et procédures propres à
faciliter l’exercice du droit de réunion … [y compris] en modifiant les itinéraires des piétons
et des véhicules»
28. De plus, le Rapporteur spécial appelle l’attention sur une décision du
Tribunal constitutionnel espagnol en vertu de laquelle «dans une société démocratique,
l’espace urbain n’est pas seulement un lieu de circulation, mais aussi un lieu de
participation».
42. Le Rapporteur spécial souligne «l’importance que revêtent la communication rapide
[par les autorités de réglementation] aux organisateurs des motifs d’éventuelles restrictions
et la possibilité d’introduire un recours en référé»
29. Les organisateurs devraient pouvoir
former un appel devant un tribunal indépendant et impartial, qui rendrait rapidement une
décision. Dans plusieurs États, dont l’Espagne et le Sénégal, l’autorité de réglementation a
l’obligation de justifier sa décision. En Bulgarie, l’organisateur d’une réunion peut former
un appel dans un délai de trois jours après réception de la décision d’interdiction et le
tribunal administratif compétent a ensuite vingt-quatre heures pour se prononcer sur
l’interdiction. Sa décision est finale et doit être annoncée immédiatement. De même, en
Estonie, il est possible de déposer plainte auprès d’un tribunal administratif, qui est alors
tenu de rendre sa décision le jour même ou le lendemain. Les organisateurs peuvent aussi
déposer plainte auprès de l’Ombudsman estonien.
24 Voir les renseignements communiqués par le Groupe d’experts du BIDDH/OSCE.
25 Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, p. 59.
26 Voir les renseignements communiqués par le Groupe d’experts du BIDDH/OSCE.
27 Ibid.
28 Rapport sur la sécurité des citoyens et les droits de l’homme, OEA/Ser.L/V/II, par. 193. Disponible à
l’adresse www.cidh.oas.org/countryrep/Seguridad.eng/CitizenSecurity.Toc.htm.
29 Voir les renseignements communiqués par le Groupe d’experts du BIDDH/OSCE.
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c) Renforcer et améliorer les capacités des fonctionnaires et des responsables de l’application
des lois dans le domaine des droits de l’homme
43. Il est important que les États fassent en sorte que les fonctionnaires et les
responsables de l’application des lois soient correctement formés aux questions relatives au
respect du droit à la liberté de réunion pacifique.
44. Dans les pays où un régime d’autorisation est en place (par exemple la Slovénie), le
Rapporteur spécial estime que les fonctionnaires chargés de délivrer les autorisations
devraient être régulièrement contrôlés pour veiller à ce qu’ils ne rejettent pas arbitrairement
certaines demandes d’autorisation de tenir des réunions publiques. Dans ce contexte, un
atelier sur l’application de la loi relative aux réunions pacifiques a été organisé en Slovénie
à l’intention des fonctionnaires chargés de l’application de la loi.
45. Le Rapporteur spécial constate avec satisfaction que, dans la plupart des pays qui
ont répondu au questionnaire, des activités de renforcement des capacités en matière de
droit international des droits de l’homme, et parfois de droit international humanitaire, sont
organisées à l’intention des responsables de l’application des lois, en particulier dans les
écoles de police et d’autres autorités (par exemple en Allemagne, en Côte d’Ivoire, en
Croatie, à Cuba, en Espagne, en Estonie, au Guatemala, au Honduras, en Iraq, au Maroc, au
Mexique, au Pérou, au Royaume-Uni, au Sénégal, en Suisse et en Uruguay). Ces
formations sont dispensées en coopération avec, notamment, les institutions nationales des
droits de l’homme (par exemple au Danemark, en Hongrie, en Indonésie, en Iraq, en
Malaisie, au Mexique, au Népal, en Nouvelle-Zélande, en Ouganda, au Paraguay, en
République-Unie de Tanzanie et dans le territoire palestinien occupé), le Haut-
Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (par exemple au Mexique et en
Ouganda), le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE
(par exemple en Arménie et en Bulgarie), la Commission européenne (par exemple en
Bulgarie), les organisations non gouvernementales (par exemple en Arménie, en Bulgarie,
au Canada, en Croatie, au Danemark, en Malaisie et en Serbie), les universités (par exemple
au Maroc et au Mexique) et le Comité international de la Croix-Rouge (Pérou). Le
Rapporteur spécial appelle l’attention sur la nécessité de dispenser régulièrement des
activités de formation continue dans ce domaine.
46. Plusieurs bonnes initiatives ont été portées à l’attention du Rapporteur spécial, elles
devraient être reproduites. Au Burkina Faso, un séminaire sur le thème «Manifestation
publique et droits de l’homme: quelle stratégie adopter pour une meilleure collaboration des
différents acteurs?» a été organisé par le Ministère de la justice et de la promotion des
droits de l’homme à l’intention des forces de sécurité et des ONG. En Slovénie, des
initiatives ont été entreprises pour former les responsables de l’application de la loi à
l’utilisation de moyens de contraintes non létaux (tels que matraques, gaz lacrymogènes et
canons à eau) pendant les opérations de maintien de l’ordre. Au Royaume-Uni, les services
de police de plusieurs comtés ont nommé un avocat spécialiste des droits de l’homme
chargé de les conseiller sur la légalité des opérations de maintien de l’ordre public menées à
grande échelle dans le cadre de manifestations controversées et sur leurs incidences sur le
plan des droits de l’homme.
47. Le Rapporteur spécial considère en outre comme pratique optimale l’élaboration de
supports de formation visant à éviter tout traitement et toute mesure discriminatoire à
l’encontre des femmes, des mineurs, des personnes handicapées, des peuples autochtones,
des personnes et des groupes de personnes appartenant à des minorités et d’autres groupes
marginalisés (par exemple en Espagne, au Mexique, en Serbie et en Slovénie).
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4. Observation des réunions pacifiques
48. Le Rapporteur spécial renvoie au rapport de la Représentante spéciale du Secrétaire
général sur la situation des défenseurs des droits de l’homme à l’Assemblée générale, dans
lequel elle affirmait que «[l’]observation de réunions publiques par des observateurs
officiels permet de rendre compte de façon impartiale et objective de la façon dont elles se
sont déroulées et de dresser un constat indépendant du comportement des participants aussi
bien que des membres des forces de l’ordre. Cette activité contribue utilement à l’exercice
effectif du droit de réunion pacifique. La simple présence d’observateurs des droits de
l’homme pendant une manifestation peut prévenir des violations des droits de l’homme. Il
importe par conséquent de permettre aux défenseurs des droits de l’homme d’intervenir
librement dans le contexte de la liberté de réunion» (A/62/225, par. 91)
30. Parmi ces
défenseurs figurent des membres d’organisations de la société civile, des journalistes, des
«journalistes citoyens», des blogueurs et des représentants des institutions nationales des
droits de l’homme.
49. À cet égard, le Rapporteur spécial considère comme un exemple de bonne pratique
le fait que la London Metropolitan Police ait invité Liberty, organisation indépendante de
défense des droits de l’homme, à jouer le rôle d’observateur indépendant du défilé des
membres de la Trades Union Congress (Confédération syndicale), à Londres en 2010,
pendant lequel elle assurait le maintien de l’ordre. Il renvoie à la déclaration faite par la
Vice-Présidente de la Commission des droits de l’homme de la Malaisie (SUHAKAM) lors
de la réunion-débat du Conseil des droits de l’homme sur la promotion et la protection des
droits de l’homme dans le contexte des manifestations pacifiques, tenue pendant la dix-
neuvième session du Conseil (A/HRC/19/40, par. 33). La Vice-Présidente a notamment
appelé l’attention sur l’action menée par SUHAKAM qui a déployé des équipes
d’observateurs lors d’une manifestation publique sensible.
50. À cet égard, le Rapporteur spécial soutient l’appel lancé par le Groupe d’experts du
Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme en faveur du renforcement
de la capacité des organisations non gouvernementales et des défenseurs des droits de
l’homme œuvrant sur le terrain de surveiller systématiquement l’exercice de la liberté de
réunion et les pratiques de la police. Dans ce contexte, le Bureau a formé des observateurs
en Arménie, en Géorgie, au Kazakhstan, au Kirghizistan et en République de Moldova, et a
publié le nouveau Handbook on Monitoring Freedom of Assembly en septembre 2011
31.
C. Pratiques optimales relatives au droit à la liberté d’association
1. Définition d’une association
51. Par «association», on entend tout groupe d’individus ou toute entité juridique
constitués pour exprimer, promouvoir, poursuivre et défendre collectivement des intérêts
communs (voir le rapport de la Représentante spéciale chargée d’étudier la question des
défenseurs des droits de l’homme, A/59/401, par. 46).
52. Le mot «association» désigne notamment les organisations de la société civile,
clubs, coopératives, organisations non gouvernementales, associations religieuses, partis
politiques, syndicats, fondations et même les associations en ligne, puisque Internet a
contribué, par exemple, à faciliter la participation active des citoyens à l’édification de
sociétés démocratiques (A/HRC/17/27, par. 2). Le Rapporteur spécial souligne que ces
divers types d’associations sont le plus souvent réglementés par différents types de
législations. Comme, depuis le début de son mandat, il a principalement reçu des
30 A/62/225, par. 91.
31 BIDDH/OSCE, 2011, Varsovie. Disponible à l’adresse www.osce.org/odihr/82979.
A/HRC/20/27
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communications concernant des organisations de la société civile, et en raison des règles
relatives à la limitation de la documentation auxquelles est assujetti le présent rapport, la
présente section sera principalement axée sur ce type d’associations, mais en envisagera
d’autres le cas échéant. Ceci n’empêchera pas le Rapporteur spécial d’étudier d’autres
formes d’associations dans ses prochains rapports.
2. Droit de constituer une association et d’adhérer à une association
53. Le Rapporteur spécial souligne que le droit de constituer une association et
d’adhérer à une association fait partie intégrante du droit à la liberté d’association. Il
comprend également le droit pour les citoyens de constituer des syndicats et d’y adhérer
pour protéger leurs intérêts, consacré dans le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
54. En vertu du droit international des droits de l’homme, chacun a droit à la liberté
d’association. Ainsi, une législation qui ne prévoit aucune restriction en fonction des
individus, y compris les enfants (par exemple l’institution nationale des droits de l’homme
de Côte d’Ivoire) ou les étrangers (par exemple au Burkina Faso et aux États-Unis
d’Amérique) est conforme aux normes internationales. Le droit international des droits de
l’homme autorise toutefois des restrictions au droit d’association des membres des forces
armées et de la police. Ces restrictions doivent néanmoins être compatibles avec les
obligations internationales des États en matière de droits de l’homme, les restrictions
d’ordre général n’étant pas considérées comme licites. Le Rapporteur spécial considère en
outre que les législations arménienne et estonienne, aux termes desquelles il ne faut pas
plus de deux personnes pour constituer une association, constituent une pratique optimale.
Un nombre plus élevé de personnes peut être requis pour créer un syndicat ou un parti
politique, mais ce nombre ne doit pas être élevé au point de décourager les citoyens de
s’associer.
55. Un élément important du droit à la liberté d’association est que nul ne peut être
contraint d’être membre d’une association (par exemple au Chili, au Guatemala, au
Portugal et en République de Moldova). De même, les associations devraient être libres de
choisir leurs membres et de décider d’être ou non ouvertes à tous
32. Ce point est
particulièrement pertinent s’agissant des syndicats et des partis politiques car toute
ingérence directe dans leur composition risque de compromettre leur indépendance
33.
56. Le Rapporteur spécial souligne que le droit à la liberté d’association protège
également les associations qui ne sont pas enregistrées (par exemple au Canada, aux États-
Unis, en République de Moldova et en Slovénie). Les membres d’associations non
enregistrées devraient effectivement être libres de mener toutes activités, et notamment
avoir le droit d’organiser des réunions pacifiques et d’y participer, sans s’exposer à des
sanctions pénales comme c’est le cas, et le Rapporteur spécial le regrette, en Algérie, au
Bélarus, au Cambodge et en République arabe syrienne
34. Ceci est particulièrement
important lorsque la procédure de constitution d’une association est lourde et dépend du
bon vouloir de l’administration, de sorte que la menace de sanctions pénales peut alors être
utilisée pour réduire au silence les voix dissidentes.
57. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé sans ambiguïté que «[l]a
possibilité pour les citoyens de former une personne morale afin d’agir collectivement dans
un domaine de leur intérêt constitue un des aspects les plus importants du droit à la liberté
32 Key Guiding Principles of Freedom of Association, par. 28.
33 OIT, La liberté syndicale. Recueil des décisions et des principes du Comité de la liberté syndicale du
Conseil d’administration du BIT, cinquième édition (révisée) (Genève, 2006), par. 723.
34 Voir note 21.
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16 GE.12-13587
d’association, sans quoi ce droit se trouverait dépourvu de tout sens» 35. La procédure à
suivre pour constituer une association en personne morale varie d’un pays à l’autre, mais il
est essentiel que les fonctionnaires compétents agissent de bonne foi, en temps voulu et de
manière non sélective. Le Rapporteur spécial considère que constituent des pratiques
optimales les procédures qui sont simples, qui ne sont pas onéreuses, voire sont gratuites
(par exemple en Bulgarie) et rapides (par exemple au Japon, où les demandes
d’enregistrement peuvent être remplies en ligne).
58. Le Rapporteur spécial estime qu’une «procédure de notification», plutôt qu’une
«procédure d’autorisation préalable» qui exige l’approbation des autorités pour constituer
une association en personne morale, est plus conforme au droit international des droits de
l’homme et devrait être adoptée par les États. Dans le cadre d’une telle procédure de
notification, les associations se voient automatiquement accorder la personnalité juridique
dès que ses fondateurs en notifient la création aux autorités. Dans la plupart des pays, cette
notification prend la forme d’une déclaration écrite contenant un certain nombre d’éléments
d’information clairement définis par la loi; il ne s’agit pas d’une condition préalable à
l’existence d’une association mais d’une communication permettant à l’administration de
prendre acte de la constitution de l’association concernée. Cette procédure de notification
est en vigueur dans plusieurs pays (par exemple en Côte d’Ivoire, à Djibouti, au Maroc, au
Portugal, au Sénégal, en Suisse et en Uruguay).
59. Le Rapporteur spécial estime que la constitution de filiales d’associations,
d’associations ou de syndicats étrangers ou de réseaux d’associations, y compris au niveau
international, devrait être assujettie à la même procédure de notification.
60. Tant dans le cadre du régime de la notification que de celui de l’autorisation
préalable, les organes chargés de l’enregistrement doivent être tenus d’agir immédiatement
et la loi devrait fixer des délais brefs dans lesquels ces organes doivent répondre aux
déclarations et demandes d’enregistrement, respectivement. Le Rapporteur spécial fait écho
à une décision de la Cour européenne qui a jugé que «des retards importants dans la
procédure d’enregistrement, s’ils sont imputables au Ministère de la justice, constituent une
entrave à l’exercice du droit à la liberté d’association des fondateurs de l’association»
36.
Durant cette période, les associations devraient être réputées opérer légalement jusqu’à
preuve du contraire (comme, par exemple, en Uruguay). S’il n’est pas répondu clairement
et rapidement à la déclaration et à la demande d’enregistrement, l’association concernée
devrait être présumée opérer légalement (comme, par exemple, en Autriche).
61. Toute décision rejetant la déclaration ou la demande d’enregistrement doit être
clairement motivée et dûment communiquée par écrit au déclarant ou demandeur. Les
associations dont les déclarations ou demandes d’enregistrement ont été rejetées devraient
avoir la possibilité de contester la décision de rejet devant un tribunal indépendant et
impartial. À cet égard, le Rapporteur spécial tient à citer une décision du Comité de la
liberté syndicale de l’Organisation internationale du Travail (OIT), qui a jugé que
«[l]’absence de recours auprès d’une instance judiciaire contre le refus éventuel du
ministère d’accorder une autorisation pour constituer des syndicats est en violation des
principes de la liberté syndicale»
37.
62. Lorsqu’une nouvelle loi est adoptée, toutes les associations déjà enregistrées ne
devraient pas être tenues de s’enregistrer de nouveau: elles sont ainsi protégées contre un
rejet arbitraire ou une interruption dans la conduite de leurs activités. Par exemple, le
35 Cour européenne des droits de l’homme, Sidiropoulos et autres c. Grèce, requête n o 26695/95,
10 juillet 1998.
36 Cour européenne des droits de l’homme, Ismayilov c. Azerbaïdjan, requête n o 4439/04,
17 janvier 2008, par. 48.
37 Recueil de décisions et de principes, par. 274.
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Comité des droits de l’enfant, dans ses conclusions relatives au Népal, s’est déclaré
préoccupé par les restrictions très diverses, parmi lesquelles l’obligation de se réenregistrer,
imposée par les autorités aux organisations de la société civile (CRC/C/15/Add.260, par. 33
et 34).
3. Droit de fonctionner librement à l’abri de toute ingérence
a) Obligation positive
63. Le droit à la liberté d’association oblige les États à prendre des mesures positives
pour créer et maintenir un environnement favorable. Il est crucial que les personnes qui
exercent ce droit puissent agir librement sans craindre de faire l’objet de menaces, d’actes
d’intimidation ou de violences, tels qu’exécutions sommaires ou arbitraires, disparitions
forcées ou involontaires, arrestations ou placements en détention arbitraires, torture ou
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, campagnes de calomnie dans les
médias, interdiction de voyager et licenciement arbitraire s’agissant en particulier des
syndicalistes. Une ou plusieurs de ces violations ont été constatées, par exemple au Bélarus,
en Colombie, en Égypte, en Israël, aux Philippines, en République arabe syrienne, en
République démocratique du Congo, au Sri Lanka et au Zimbabwe
38.
b) Obligation négative
64. De plus, les États ont l’obligation négative de ne pas entraver indûment l’exercice du
droit à la liberté d’association. Les membres d’une association devraient être libres de
déterminer les statuts, la structure et les activités de celle-ci et de prendre leurs décisions à
l’abri de toute ingérence de l’État (comme le stipule, par exemple, la législation en
Bulgarie, en Slovaquie et en Slovénie). Les associations qui poursuivent des objectifs et
utilisent des moyens conformes au droit international des droits de l’homme devraient
bénéficier d’une protection juridique internationale. Les associations devraient jouir
notamment des droits d’exprimer une opinion, de diffuser des informations, de s’adresser à
la population et d’intervenir auprès des gouvernements et devant les organes internationaux
des droits de l’homme pour, par exemple, promouvoir la préservation et le développement
d’une culture minoritaire
39 ou demander une modification de la loi, y compris de la
Constitution 40. Le Rapporteur spécial reconnaît que la constitution d’une association
défendant des vues ou des croyances minoritaires ou dissidentes peut parfois créer des
tensions, mais il insiste sur l’obligation de l’État de veiller à ce que chacun puisse exprimer
son opinion librement et sans crainte. Par exemple, au Lesotho, le Registrar General a
enregistré la première association lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre jamais constituée
dans le pays, Matrix, en novembre 2010 (après de longs délais).
65. Les autorités doivent aussi respecter le droit des associations à la vie privée énoncé à
l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. À cet égard, les
autorités ne devraient pas avoir le droit: de subordonner les décisions et activités de
l’association à une quelconque condition; d’annuler l’élection des membres de son conseil
d’administration; de subordonner la validité des décisions de ce conseil à la présence d’un
représentant du gouvernement à la réunion ni de demander qu’une décision soit abrogée; de
demander aux associations de présenter à l’avance des rapports annuels; et d’entrer sans
préavis dans les locaux d’une association. Le Rapporteur spécial reconnaît le droit
d’organes indépendants d’examiner les actes des associations afin d’assurer la transparence
et la responsabilité, mais une telle procédure ne devrait pas être arbitraire et elle doit
38 Voir note 21.
39 Cour européenne des droits de l’homme, Ouranio Toxo et autres c. Grèce, requête n o 74989/01,
20 octobre 2005, par. 40.
40 Cour européenne des droits de l’homme, Zhechev c. Bulgarie, requête n o 57045/00, 21 juin 2007.
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respecter le principe de non-discrimination et le droit à la vie privée, car à défaut elle
mettrait en péril l’indépendance des associations et la sécurité de leurs membres. On peut
citer, à titre de pratique optimale, la décision par laquelle la Commission africaine des
droits de l’homme et des peuples a jugé que le droit à la liberté d’association avait été violé
lorsque le Gouvernement nigérian avait doté l’Association du barreau nigérian d’un nouvel
organe directeur et décidé que 97 des 128 membres de cet organe seraient nommés par lui
(rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme,
A/64/226, par. 34).
c) Améliorer la formation des fonctionnaires en matière de droits de l’homme
66. Le Rapporteur spécial note avec satisfaction qu’en Slovénie, le Ministère de
l’intérieur superviserait régulièrement les activités de ses différents services et veillerait à
ce que les procédures d’enregistrement soient conduites conformément à la loi. Dans le
cadre de cette supervision, les fonctionnaires chargés de ces procédures bénéficient de
l’aide de spécialistes notamment quant à la manière d’interpréter la loi.
4. Droit d’accès à des fonds et des ressources
67. La possibilité pour les associations d’avoir accès à des fonds et des ressources est
essentielle et fait partie intégrante du droit à la liberté d’association. Le Rapporteur spécial
relève que les principes du BIT soulignent que «[d]es dispositions qui conféreraient aux
autorités le droit de restreindre la liberté d’un syndicat de gérer et d’utiliser ses fonds
comme il le désire en vue d’objectifs syndicaux normaux et licites seraient incompatibles
avec les principes de la liberté syndicale»
41. De nombreux organes des droits de l’homme
des Nations Unies ont aussi souligné, en tant que principes, que les associations devraient
avoir librement accès à des fonds
42.
68. Les associations, enregistrées ou non, devraient avoir le droit de solliciter des fonds
et des ressources auprès d’entités nationales, étrangères et internationales et de recevoir de
tels fonds, notamment d’individus, d’entreprises, d’organisations de la société civile, de
gouvernements et d’organisations internationales. Le Rapporteur spécial note à cet égard
avec préoccupation que dans certains pays, seules les associations enregistrées peuvent
recevoir des fonds et des ressources. Il semble donc essentiel que les règles régissant la
création des associations soient conformes aux pratiques optimales susmentionnées et leur
permettent d’avoir accès à des fonds et des ressources.
69. Dans de nombreux pays, les fonds disponibles au plan national sont très limités,
voire inexistants, et les associations sont tributaires de l’aide extérieure pour mener leurs
activités. Le Rapporteur spécial fait siennes les recommandations de celle qui était alors la
Représentante spéciale du Secrétaire général chargée d’étudier la question des défenseurs
des droits de l’homme, à savoir que «les gouvernements doivent autoriser les organisations
non gouvernementales à accéder aux sources de financement étrangères dans le cadre de la
coopération internationale, à laquelle la société civile peut prétendre de la même manière
que les gouvernements» (A/59/401, par. 82). Il considère que le même principe devrait
s’appliquer à toutes les associations quels que soient les objectifs, conformes au droit
international, qu’elles poursuivent. Il considère comme une pratique optimale une
législation qui n’exige pas que les associations obtiennent l’autorisation des autorités pour
recevoir des fonds d’origine nationale ou étrangère (comme, par exemple, aux États-Unis,
41 Recueil de décisions et de principes, par. 485.
42 Voir Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, conclusions relatives à la
Lituanie, A/55/38, par. 155; Comité des droits de l’enfant, conclusions relatives à la République
centrafricaine, CRC/C/15/Add.138, par. 22 et 23; Comité pour l’élimination de la discrimination
raciale, conclusions relatives à l’Irlande, CERD/C/IRL/CO/2, par. 12.
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au Liban et au Maroc). Les obstacles à l’aide financière étrangère vont des retards indus
dans l’autorisation du financement d’un projet de l’association (par exemple au
Bangladesh) à l’obligation d’obtenir l’autorisation préalable des autorités. Certaines
législations interdisent même aux associations de défense des droits de l’homme de
recevoir plus de 10 % de l’ensemble de leurs ressources de sources étrangères. En Éthiopie,
où une telle législation est en vigueur, sur les 127 associations de défense des droits de
l’homme qui étaient actives avant l’entrée en vigueur de la loi de 2009 sur les associations
et les organismes caritatifs, seules quelques-unes continuent d’opérer.
70. Les États ont l’obligation de lutter contre le blanchiment de capitaux et le terrorisme,
mais cette lutte ne doit jamais être invoquée pour porter atteinte à la crédibilité de
l’association concernée, ni pour entraver indument ses activités légitimes. Pour empêcher
les organisations terroristes d’utiliser abusivement les associations, les États devraient
recourir à d’autres moyens, par exemple leur législation bancaire et leurs lois antiterroristes.
À cet égard, les organismes des Nations Unies, notamment ceux qui sont chargés de la lutte
contre le terrorisme, ont un rôle clef à jouer et sont moralement responsables de veiller à ce
que les réglementations antiterroristes et contre le blanchiment de capitaux ne portent pas
atteinte aux droits de l’homme en général, et à la liberté d’association en particulier. Toutes
les mesures adoptées dans ce contexte devraient promouvoir la transparence, renforcer la
confiance dans le secteur concerné, au sein de la communauté des donateurs et de la
population en général, afin que les fonds et services caritatifs parviennent à leurs
bénéficiaires légitimes.
71. En ce qui concerne les partis politiques, le Rapporteur spécial considère que des
règles différentes peuvent s’appliquer. Quoi qu’il en soit, les règles régissant les fonds et
ressources d’origine nationale doivent être non discriminatoires et ne doivent pas être
appliquées arbitrairement, ce afin de ne pas compromettre l’indépendance des partis
politiques et leur capacité de disputer réellement les élections. Les dons de l’étranger
peuvent être réglementés, limités ou interdits pour éviter que des intérêts étrangers
n’exercent une influence indue dans les affaires politiques internes.
72. Le Rapporteur spécial souligne que les États ne doivent pas recourir à la pression
fiscale pour décourager les associations de recevoir des fonds, notamment de l’étranger. Il
note avec satisfaction que plusieurs États prévoient des exemptions et privilèges fiscaux et
autres au bénéfice des associations (par exemple la Bulgarie et la Lituanie).
5. Droit de participer à la conduite des affaires publiques
73. L’Article 71 de la Charte des Nations Unies dispose que «le Conseil économique et
social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les organisations non
gouvernementales qui s’occupent de questions relevant de sa compétence». L’Observation
générale n
o 25 (1996) sur le droit de prendre part à la direction des affaires publiques, de
voter et d’être élu, et le droit d’accéder aux fonctions publiques dispose en outre que «le
droit à la liberté d’association, qui comprend le droit de constituer des organisations et des
associations s’intéressant aux affaires politiques et publiques, est un élément accessoire
essentiel pour les droits protégés par l’article 25» (par. 26). En Lituanie, l’article 4 de la loi
sur la procédure d’élaboration des lois dispose que toutes les personnes morales et
physiques ont le droit de présenter des propositions relatives à la rédaction d’une loi. Tant
les individus membres d’une association que l’association elle-même doivent être protégés
par le droit international des droits de l’homme et doivent pouvoir participer aux processus
de prise de décisions de l’État. Ceci est particulièrement vital pour les syndicats, car le droit
de négociation collective est un droit fondamental, consacré dans la Convention n
o 98 de
l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective (1949). À cet égard, le
Rapporteur spécial reconnaît que les pratiques optimales sont celles qui permettent un
véritable dialogue social associé à une négociation digne de ce nom.
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74. De plus, lorsque les autorités de l’État élaborent une loi pour réglementer les
associations, ces dernières devraient être étroitement associées à cette élaboration. En
Serbie, la loi sur les associations a été préparée par un groupe de travail composé de
représentants du Ministère des droits de l’homme et des minorités et d’associations. Dans le
même ordre d’idées, le projet de loi néo-zélandaise sur le handicap de 2011 aurait été
élaboré avec la participation de l’Association des handicapés.
6. Extinction, suspension et dissolution des associations
75. Le droit à la liberté d’association s’applique pendant toute la vie de l’association
43.
La suspension d’une association et sa dissolution forcée sont parmi les atteintes les plus
graves à la liberté d’association. Elles ne devraient donc être possibles qu’en cas de danger
manifeste et imminent résultant d’une violation flagrante de la législation nationale,
conformément au droit international des droits de l’homme. De telles mesures doivent être
strictement proportionnelles à l’objectif légitime poursuivi et utilisées uniquement lorsque
des mesures moins radicales se sont révélées insuffisantes.
76. Selon la jurisprudence de l’OIT, la dissolution d’organisations syndicales est une
mesure «qui ne devrait intervenir que dans des cas de gravité extrême. Une telle dissolution
ne devrait pouvoir intervenir qu’à la suite d’une décision judiciaire afin de garantir
pleinement les droits de la défense»
44. Le Rapporteur spécial considère qu’une législation
qui stipule que des mesures aussi radicales ne peuvent être prises que par des tribunaux
indépendants et impartiaux constitue une pratique optimale. En République-Unie de
Tanzanie, la Cour constitutionnelle a annulé la décision des autorités de retirer son
agrément à une association œuvrant pour l’égalité des sexes.
D. Droit à un recours effectif en cas de violations des droits de l’homme ou
d’atteintes aux droits de l’homme
77. Les États sont tenus d’établir des mécanismes de recours accessibles et efficaces qui
puissent enquêter indépendamment, promptement et de manière approfondie sur les
allégations de violations des droits de l’homme ou d’atteintes aux droits de l’homme afin
d’engager la responsabilité de ceux qui en sont responsables. Ceci implique de garantir non
seulement qu’il sera mis fin aux violations mais également qu’elles ne se reproduiront pas à
l’avenir. Une attention particulière doit être accordée aux membres des groupes vulnérables
visés au paragraphe 13.
78. Le Rapporteur spécial considère comme une pratique optimale une législation qui
prévoit des sanctions pénales et disciplinaires contre ceux qui s’immiscent dans des
réunions publiques ou les dispersent violemment par un emploi excessif de la force (par
exemple les législations bulgare, burkinabè, colombienne, ivoirienne, cubaine, espagnole,
estonienne, japonaise, kirghize, portugaise, moldove et serbe). Plus précisément, en
Colombie, selon la loi, l’usage excessif ou arbitraire de la force contre des manifestants
pacifiques constitue une violation grave du code de discipline de la Police nationale. De
même, au Portugal, un décret-loi prévoit des sanctions contre les autorités qui entravent le
droit à la liberté de réunion pacifique, et l’article 382 du Code pénal prévoit les peines
applicables en cas d’abus de pouvoir.
79. À cet égard, le Rapporteur spécial souligne qu’il importe que le numéro
d’identification des policiers soit bien visible sur leur uniforme. Comme l’a noté le
43 Cour européenne des droits de l’homme, Parti communiste uni de Turquie et autres c. Turquie,
n o 19392/92, par. 33.
44 Recueil de décisions et de principes, par. 699.
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Commissariat hongrois aux droits fondamentaux, lors d’une manifestation violemment
réprimée en Hongrie, de nombreux policiers n’ont pu être identifiés parce qu’ils ne
portaient pas de badge d’identification.
80. Les institutions nationales des droits de l’homme qui observent les principes relatifs
au statut des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme
(les Principes de Paris) peuvent aussi jouer un rôle en recevant les plaintes faisant état de
violations des droits de l’homme ou d’atteintes aux droits de l’homme et en enquêtant sur
celles-ci (par exemple comme en Malaisie et au Portugal). Le travail de ces institutions
devrait être respecté et facilité par les autorités.
81. Lorsque le droit de réunion pacifique et la liberté d’association sont indûment
restreints, les victimes devraient avoir le droit d’obtenir réparation et une indemnisation
équitable et suffisante. Là encore, une attention particulière doit être accordée aux victimes
appartenant aux groupes les plus vulnérables.
IV. Conclusions et recommandations
82. Le Rapporteur spécial réaffirme l’importance capitale des droits à la liberté de
réunion pacifique et d’association, qui sont la pierre angulaire de toute démocratie.
83. Sur la base des pratiques optimales identifiées dans les paragraphes qui
précèdent, et qui devraient être considérées comme des normes minima, le
Rapporteur spécial compte que les recommandations ci-après guideront les États dans
la facilitation et la protection du droit de réunion pacifique et de la liberté
d’association, en droit et dans la pratique.
A. Recommandations générales
84. Le Rapporteur spécial demande aux États:
a) De reconnaître que le droit de réunion pacifique et la liberté
d’association jouent un rôle décisif dans l’apparition et le maintien de systèmes
réellement démocratiques parce qu’ils ouvrent la voie au dialogue, au pluralisme, à la
tolérance et à la compréhension, grâce auxquels les opinions ou croyances
minoritaires ou dissidentes sont respectées;
b) De veiller à ce que chacun, et toute entité enregistrée ou non, jouisse du
droit de réunion pacifique et de la liberté d’association, notamment les femmes, les
jeunes, les peuples autochtones, les personnes handicapées, les personnes appartenant
à des groupes minoritaires ou vulnérables, notamment celles qui sont victimes de
discrimination en raison de leur orientation sexuelle ou de leur genre, les non-
nationaux, ainsi que les militants qui défendent les droits économiques, sociaux et
culturels;
c) De veiller à ce que nul ne fasse l’objet de sanctions pénales parce qu’il
exerce le droit de réunion pacifique et à la liberté d’association, ni ne fasse l’objet de
menaces ou de violences, d’actes de harcèlement, de persécutions, d’actes
d’intimidation ou de représailles;
d) De définir le crime de terrorisme strictement et étroitement,
conformément au droit international;
e) De veiller à ce que les restrictions au droit de réunion pacifique et à la
liberté d’association soient prévues par la loi, nécessaires dans une société
démocratique et proportionnelles au but poursuivi, et ne portent pas atteinte aux
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principes du pluralisme, de la tolérance et de l’ouverture d’esprit. Ces restrictions
devraient faire l’objet d’un examen judiciaire indépendant, impartial et rapide;
f) De veiller à ce qu’il ne soit jamais dérogé aux droits à la vie et à être à
l’abri de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
g) D’assurer aux individus exerçant leurs droits de réunion pacifique et à la
liberté d’association la protection offerte par le droit à la liberté d’expression;
h) De veiller à ce que fonctionnaires et policiers soient adéquatement
formés au respect du droit de réunion pacifique et de la liberté d’association;
i) De veiller à ce que les autorités chargées du maintien de l’ordre qui
violent le droit de réunion pacifique et la liberté d’association voient leur
responsabilité personnelle pleinement engagée à raison de ces violations par un organe
de contrôle indépendant et démocratique, et par les tribunaux;
j) De veiller à ce que les victimes de violations du droit à la liberté de
réunion pacifique et de la liberté d’association et d’atteintes à ces droits aient droit à
un recours effectif et obtiennent réparation;
k) De reconnaître que le droit de réunion pacifique et la liberté
d’association peuvent être exercés au moyen des nouvelles technologies, y compris
Internet.
85. Les institutions nationales des droits de l’homme qui respectent les Principes de
Paris devraient jouer un rôle s’agissant de favoriser et de superviser l’exercice du
droit de réunion pacifique et de la liberté d’association et de recevoir les plaintes
faisant état de violations et d’atteintes dans le domaine des droits de l’homme et
d’enquêter sur celles-ci.
86. Les organismes, organes et mécanismes des Nations Unies devraient continuer
à promouvoir et protéger le droit de réunion pacifique et la liberté d’association. En
particulier, le Comité des droits de l’homme devrait envisager d’élaborer des
observations générales sur les articles 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques. Il conviendrait d’accorder davantage d’attention aux violations de
ces droits et atteintes à ces droits dans le cadre de l’Examen périodique universel.
87. La communauté internationale devrait envisager sérieusement d’adopter des
principes directeurs relatifs au droit de réunion pacifique et à la liberté d’association,
en consultation avec tous les acteurs concernés.
B. Recommandations spécifiques
1. Liberté de réunion pacifique
88. Une présomption légale quant au caractère pacifique des réunions devrait être
établie clairement et expressément.
89. Les États devraient faciliter et protéger les réunions pacifiques, notamment par
la négociation et la médiation. Chaque fois que cela est possible, les autorités de police
ne devraient pas recourir à la force durant les réunions pacifiques et devraient veiller
à ce que «lorsque l’emploi de la force est absolument nécessaire, nul ne soit soumis à
une force excessive ou aveugle» (résolution 19/35 du Conseil, par. 6).
90. L’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique ne devrait pas être
subordonné à une autorisation préalable des autorités, mais, au plus, à une procédure
de notification préalable, qui ne devrait pas être lourde. Lorsqu’une réunion n’est pas
autorisée ou est assujettie à des restrictions, une explication détaillée devrait être
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fournie par écrit en temps voulu, et pouvoir faire l’objet d’un recours devant un
tribunal impartial et indépendant.
91. Les réunions spontanées devraient être reconnues par la loi et exemptées de
notification préalable.
92. Les réunions simultanées devraient être autorisées, protégées et facilitées,
chaque fois que cela est possible.
93. Les organisateurs d’une réunion et les participants à celle-ci ne devraient pas
être tenus responsables du comportement violent d’autrui ni amenés à rendre des
comptes à ce titre.
94. Les États devraient également veiller à la protection de ceux qui, dans le cadre
de réunions pacifiques, observent les violations et les atteintes et en rendent compte.
2. Liberté d’association
95. La constitution d’une association devrait être soumise à un régime de
notification. La procédure de création d’une association devrait être simple, aisément
accessible, non discriminatoire et peu onéreuse ou gratuite. Les organes chargés de
l’enregistrement devraient, lorsqu’ils refusent d’enregistrer une association, motiver
leur refus par écrit de manière détaillée et en temps voulu. Les associations devraient
pouvoir contester un tel refus devant un tribunal impartial et indépendant.
96. Les associations, y compris celles qui ne sont pas enregistrées, devraient être
autorisées à fonctionner librement, et leurs membres à agir dans un environnement
propice et sûr.
97. Les associations devraient être libres de déterminer leurs statuts, structure et
activités et de prendre leurs décisions sans ingérence de l’État.
98. Les associations devraient jouir du droit à la vie privée.
99. Les associations devraient avoir accès à des fonds et ressources dans le pays et à
l’étranger sans autorisation préalable.
100. La suspension d’une association ou sa dissolution forcée devrait être
sanctionnée par un tribunal impartial et indépendant, sauf en cas de danger manifeste
et imminent résultant d’une violation flagrante de la législation interne,
conformément au droit international des droits de l’homme.